La plupart d’entre vous l’aurons déjà oubliée mais la fin de l’année 2017 a été le théâtre d’un imbroglio quant aux modalités d’imposition des plus-values financières réalisées au cours de cette année. Petit retour en arrière :
2017 fut une année d’élection présidentielle dont l’une des conséquences fiscales a été l’introduction du fameux « Prélèvement Forfaitaire Unique » (PFU). Les choses n’étant jamais aussi simples qu’on ne l’imagine, il s’est avéré que cette réforme était associée à une importante modification touchant les prélèvements sociaux. Le taux de la CSG augmentait de 170 points et l’ensemble des prélèvements sociaux sur les revenus du patrimoine passait à 17,2 %. Le taux global de PFU étant de 30 %, le taux de l’impôt sur le revenu s’établissait, par déduction, à 12,8 %. Les épargnants pouvaient enfin reprendre leur souffle après cinq années de ce qu’il faut bien appeler, rétrospectivement, un trou noir fiscal.
Dans les divers projets de lois censés mettre en œuvre ces orientations, des dispositions techniques articulaient les revenus concernés, le taux applicable et les dates d’entrée en vigueur de ces mesures. Et de manière très logique, le PFU n’entrant en vigueur que pour les revenus à percevoir au cours de l’année 2018, le projet de loi de financement de la sécurité sociale ne prévoyait l’application de la hausse de la CSG sur les plus-values qu’aux gains réalisés en 2018. Pour une fois on pouvait noter un certain équilibre entre les intérêts de l’Etat et ceux des contribuables. C’était cependant sans compter sur nos députés qui, au cours de l’adoption de la loi, ont subrepticement décidé que cette hausse de CSG allait s’appliquer selon le principe que l’on a coutume d’appeler la « petite rétroactivité ». Cette dernière constituant le plus commun des péchés véniels de la fiscalité. Résultat pour 2017 : les plus-values, revenus par nature exceptionnels que le précédent Président avait cru bon d’imposer suivant le barème progressif de l’impôt sur le revenu, technique adaptée par nature aux revenus non exceptionnels, se voyaient ainsi frappées d’une double peine : un assujettissement au barème progressif et une hausse de CSG !
Pour certains contribuables la facture s’est avérée élevée et la voie du contentieux le seul moyen d’obtenir justice. Malheureusement, le Conseil d’Etat, dans une décision du 12 septembre 2019, n’a pas considéré que la situation méritait un examen par le Conseil constitutionnel et a refusé de lui transmettre le dossier. Le principal argument de la Haute juridiction tient au fait qu’il n’y aurait pas de situation « acquise » à la date du fait générateur d’une plus-value (date de la cession) et qu’une augmentation d’impôt postérieure à une cession était parfaitement légale. S’il nous semble que les motifs de la décision relatifs au sujet du « droit acquis » ne sont pas dénués de fondement, la problématique ne se résumait pas à cette seule question et il est dès lors regrettable que le Conseil constitutionnel n’ait pas été saisi. Ainsi, aurions-nous apprécié de connaître le point de vue de cette juridiction sur les motifs qui peuvent justifier l’adoption avec effet rétroactif d’une loi. Au cas particulier, la petite rétroactivité a été votée au seul motif que l’année suivante le prélèvement à 30 % entrait en vigueur ! Autrement dit pour une raison sans aucun rapport direct avec le sujet mais pas dénuée de cynisme.
Autre sujet d’étonnement : dans le même texte de loi en application de la jurisprudence du Conseil d’Etat lui-même, le taux des prélèvements sociaux applicable aux plus-values bénéficiant de plein droit d’un report d’imposition est celui en vigueur au titre de l’année de l’échange. Concrètement, pour les opérations d’échanges placées en report d’imposition en 2017 le taux est de 15,5 % et non 17,2 % ! Bien sûr, si c’est un sursis d’imposition qui est applicable, ce sera le taux de 17,2 % et non celui de 15,5 % qui devra être appliqué.
D’où m’est revenue cette réplique de Charles Denner dans L’aventure c’est l’aventure : « les spécialistes de la clarté dans la confusion ». A revoir (au moins l’extrait), c’est toujours plus divertissant et plus limpide que la fiscalité française.
Nous vous souhaitons une très bonne année fiscale à tous.
Jérôme Chigard
Directeur de l’Ingénierie Patrimoniale
Rédigé le 7 janvier 2020