Déficits fonciers imputés sur le revenu global : gare à la vente ! par Oddo Banque Privée

Une récente réponse ministérielle au sénateur, Monsieur Christophe-André FRASSA, représentant les français établis hors de France, en date du 5 mai 2016, est l’occasion de rappeler certaines règles applicables en matière de déficits fonciers.

Le sénateur a interpellé le ministre des finances sur les termes de la doctrine administrative traitant des déficits fonciers en cas de cessation de la location.

Pour rappel, le déficit foncier constaté au titre d’une année est imputable sur le revenu global dans la limite de 10 700€ dès lors qu’il provient de charges autres que les intérêts d’emprunt. Le surplus de déficit est imputable sur les revenus fonciers des dix années qui suivent.

MAIS QUE SE PASSE-T-IL EN CAS DE CESSION DU BIEN ?

Dans un rescrit du 22 juin 2010 (n°2010/35), l’administration fiscale a rappelé que « […] les éventuels déficits fonciers restant à imputer après la cessation de la location ne peuvent plus être imputés ». Un déficit foncier serait donc attaché à un bien et cesserait d’être imputable dès lors que celui-ci serait vendu.

Dans sa question au Ministre, le sénateur FRASSA émettait des doutes quant à cette interprétation notamment parce qu’il « est procédé [chaque année] à la compensation des revenus fonciers et des déficits fonciers de [tous] les immeubles ordinaires » et que « la fraction des déficits fonciers qui ne peut être imputée sur le revenu global […] s’impute [.. ] sur les revenus fonciers des dix années suivantes ». Le déficit foncier est donc global par rapport à l’ensemble des revenus fonciers du foyer fiscal.

La preuve en est que la déclaration 2044 de revenu foncier constate les déficits en report année par année et non bien par bien.

Au vu de ces éléments, il était demandé au Ministre si un contribuable pouvait conserver ses déficits en report malgré la cessation de la location du bien qui en est à l’origine.

LA RÉPONSE DU MINISTRE

Pour les contribuables […] le revenu foncier imposable à l’impôt sur le revenu est égal, chaque année, à la différence entre le montant des revenus bruts fonciers et le total des frais et des charges effectivement supportés au cours de l’année.

Conformément aux dispositions du 3° du I de l’article 156 du code général des impôts, le déficit foncier qui résulte des dépenses déductibles, autres que les intérêts d’emprunt, est imputable : sur le revenu global dans la limite annuelle de 10 700 €[…].

Si le revenu global du contribuable est insuffisant pour absorber le déficit imputable, le déficit global en résultant est imputable dans les conditions de droit commun sur les revenus globaux des six années suivantes […].

En application du septième alinéa du 3° du I de l’article 156 précité du CGI, l’imputation d’un déficit foncier sur le revenu global est conditionnée au maintien de l’affectation de l’immeuble concerné à la location jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle de l’imputation [….].

Lorsque cette condition n’est pas respectée, l’imputation du déficit foncier sur le revenu global est remise en cause et le revenu global et les revenus fonciers des trois années qui précèdent l’année de cessation de la location sont reconstitués […]. Le déficit indûment imputé sur le revenu global peut être uniquement imputé sur les revenus fonciers des dix années suivantes dans les conditions de droit commun.Bien entendu, les déficits fonciers qui resteraient à imputer après la cessation de la location ne peuvent plus l’être.

Aussi, lorsque l’immeuble cesse d’être affecté à la location, cette remise en cause de l’imputation du déficit foncier sur le revenu global peut être effectuée jusqu’au 31 décembre de la troisième année qui suit celle du non-respect de l’affectation de l’immeuble à la location, nonobstant l’intervention de la prescription pour tout ou partie des années en cause.

Cependant, […], aucune remise en cause n’est effectuée lorsque le contribuable ou l’un des époux ou partenaires à un pacte civil de solidarité (PACS) soumis à une imposition commune est atteint d’une invalidité, est licencié ou décède.

La réponse est sans appel ! La cession d’un immeuble ayant donné lieu à l’imputation d’un déficit sur le revenu global, au cours des trois années qui suivent, entraine non seulement la reprise de cette imputation mais aussi, selon le Ministre, l’impossibilité d’utiliser le solde de déficit qui n’a pu faire l’objet d’une imputation. L’Administration confirme donc la position prise en 2010 à l’occasion du rescrit.

Ce qui cependant ne laisse pas d’étonner, c’est qu’une décision de jurisprudence (n°140614) rendue par le tribunal administratif de Melun est intervenue au mois de juin 2015 et que la juridiction ne partage pas le point de vue de l’administration dans les termes suivants :

« Considérant que si ces dispositions, qui traitent de l’imputation d’un déficit foncier sur les revenus des années suivantes, prévoient des cas d’exclusion de l’imputation directement sur le revenu global et de reprise de l’imputation faite sur le revenu global, elles n’en posent aucun, dans la limite des dix années suivantes, d’exclusion de l’imputation sur les revenus fonciers réalisés ;… »

Considérant qu’il est constant que M. A. a imputé le déficit foncier concerné, constaté en 2010, sur ses revenus fonciers des années 2011 et 2012, dans la limite de ces derniers ; que par suite, en considérant qu’il a fait ces imputations directement sur ses revenus globaux, l’administration commet une erreur de fait et, en les lui refusant, une erreur de droit ; que M. A. doit donc être déchargé des impositions en litige.

L’administration n’ayant pas fait appel de cette décision, on pourra, en cas de contentieux, utilement mentionner l’existence de cette décision.

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Rédigé le 1er juin 2016 en partenariat avec les Experts Oddo & Cie.

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