Alix de Renty, co-fondatrice de The Ladies Bank et banquière privée chez ODDO BHF Banque Privée, présente aux femmes soucieuses de prendre soin de leur argent, les bonnes pratiques en termes d’épargne et de bonne gestion financière.
Tout le monde, ou presque, peut épargner.
Quels que soient son âge, son métier, son profil ou ses revenus, chacun peut économiser, même quelques dizaines d’euros par mois.
La preuve : on trouve des applications de gestion de budget et des cartes bancaires dédiées aux adolescents, qui visent à les sensibiliser à la gestion de leur argent de poche. De quoi, peut-être, poser les bonnes bases pour le début de leur vie active. Car en matière de placement, plus on s’y prend tôt, mieux c’est. Il s’agit moins d’épargner longtemps, ou beaucoup, que de laisser à son argent le temps de fructifier. On appelle cela la mécanique des intérêts composés, dont le principe est simple : les intérêts générés en 2022 s’ajoutent au capital, sur la base duquel seront calculés les intérêts de 2023, et ainsi de suite. L’épargne croît ainsi de façon exponentielle et génère davantage si elle a été constituée tôt. Encore faut-il, pour se lancer, dompter la jungle des livrets, PEA et autres PER, qu’on utilisera différemment selon son âge, ses revenus et ses besoins. Alix de Renty, banquière privée et cofondatrice de The Ladies Bank, nous aide à y voir plus clair.
En début de carrière
Dès ses premiers salaires, la bonne habitude à prendre est de suivre son budget pour connaître le montant dont on dispose en dehors de ses charges.
« On pioche dans cette enveloppe de quoi financer nos projets : les vacances de l’été prochain, peut-être une voiture dans trois ans et un logement dans cinq », explique Alix de Renty.
Mais où placer ces économies ?
« Le rendement augmente avec le risque. Or, on ne prend pas de risque avec de l’argent dont on a besoin d’ici à deux ans. Misons plutôt sur les livrets A et LDDS, plafonnés à 22 950 et 12 000 €, avec un taux d’intérêt à 2 %. »
Le plan d’épargne retraite (PER) est aussi une très bonne piste dès le début de sa carrière, car on bénéficie d’avantages fiscaux, donc d’économies immédiates sur l’argent qu’on y place. Et, là encore, quel que soit le produit d’épargne, cette fameuse mécanique des intérêts composés joue en votre faveur. Placer 200 euros par mois de 25 à 40 ans et laisser cet argent investi à un taux annuel de 5 % par an rapportera plus au moment du départ à la retraite que d’investir le même montant (200 euros par mois) entre 40 et 65 ans. Dans le premier scénario, on disposera de 180 000 euros à 65 ans, contre 120 000 euros dans le second. Le tout, en ayant épargné moitié moins, pendant quinze ans au lieu de vingt-cinq.
« Enfin, acheter son logement reste une priorité, quitte à franchir le périphérique pour revendre et acquérir plus proche, ou plus grand, quelques années plus tard », encourage Alix de Renty.
À partir de 40 ans
Entre-temps, votre carrière aura accéléré, vous aurez peut-être fondé une famille, et, si vous avez commencé à épargner tôt, économisé de quoi financer les études de vos enfants.
« Voilà le moment de se projeter à long terme, de placer de l’argent dont on n’aura pas besoin avant au moins huit ans. »
Soit la durée d’immobilisation de l’épargne pour la plupart des divers placements rémunérateurs. On peut investir dans des entreprises cotées en Bourse ou non (on parle alors de private equity) via sa banque de détail, un fonds d’investissement ou un gestionnaire d’actifs. D’autres, plus avertis, financent directement l’entreprise d’un proche, par exemple. Concrètement, il s’agit d’ouvrir un plan d’épargne en actions – cotées ou non – sur lequel on peut placer jusqu’à 150 000 € par personne, qui doivent représenter 25 % du capital de la société au maximum. « Si l’on retire son argent après cinq ans, on ne paie que les prélèvements sociaux, de 17,2 %, sur les produits générés au sein du PEA, précise Alix de Renty. Ce type d’investissement peut très bien fonctionner, mais présente un risque élevé. Mieux vaut très bien connaître le fondateur et son secteur d’activité. »
Autre option : placer son argent via des plateformes de finance participative comme MiiMosa (miimosa.com), spécialisée dans l’agriculture, Lita.co ou encore Lendosphère (lendosphère.com), qui cible les énergies renouvelables. Autre possibilité, l’une des favorites des Français : l’assurance-vie. « L’argent placé reste accessible, et tant qu’on achète et vend à l’intérieur de son contrat sans retirer ses fonds, on ne paie pas d’impôts, explique Alix de Renty. On appelle cela le principe de capitalisation. »
Même lorsqu’on retire de l’argent – chaque année après sa retraite, par exemple –, la fiscalité est réduite, dégressive et doublée d’abattements importants. Le tout à condition d’avoir attendu au moins huit ans pour toucher son argent. Ceux qui auront besoin de liquidités plus tôt privilégieront un compte-titres, plus accessible.
« L’assurance-vie est vraiment conçue pour offrir un complément de revenus après la fin de sa carrière », insiste Alix de Renty.
D’où l’importance de se poser les bonnes questions avant de souscrire son contrat, pour choisir le plus adapté à son profil et à son projet. Quel montant faut-il verser au départ, puis chaque mois ? Dans quelle classe d’actifs puis-je investir via mon assurance vie ? À combien s’élèvent les divers frais d’entrée, puis de gestion administrative, financière et d’arbitrage ? Se renseigner sur ces coûts permet de se projeter dans l’avenir sans mauvaise surprise… à condition d’anticiper ses revenus avec la même précision. « Je recommande un audit de retraite pour connaître le montant de sa future pension, poursuit Alix de Renty. Cela coûte entre 2 000 et 5 000 €, mais il s’agit d’un investissement indispensable, si on peut se le permettre. » Le faire vers ses 50 ans laisse le temps de réajuster ses placements si nécessaire.
Si vous êtes entrepreneur
« Quand on dirige une entreprise, la clé est d’anticiper tous les dénouements possibles. »
Que se passe-t-il si un associé quitte le navire ? Et s’il décède ? À quoi auront droit son conjoint et ses enfants ? Se poser ces questions dès le départ permet de bien préparer son pacte d’actionnaires avec un avocat, pour prévoir tous les scénarios.
« Plus on anticipe ces situations, moins elles tourneront au drame le moment venu », encourage Alix de Renty. L’autre enjeu réside dans la structuration de ses patrimoines professionnel et personnel. « On peut détenir son entreprise directement ou bien via une holding, ou encore dans un plan d’épargne en actions, si l’on détient moins de 25 % du capital. » De cela dépend la fiscalité qui nous incombe lors de la cession. Percevoir une partie de la somme directement et une autre via une holding permet de bénéficier d’une fiscalité réduite. « La holding peut devenir une sorte de tirelire pour réinvestir ailleurs ou créer un fonds de dotation, par exemple. Elle est aussi un très bel outil de transmission. »
Malgré tout, la complexité de ces mécanismes et l’importance des enjeux méritent de se faire accompagner et conseiller, peut-être plus encore pour les femmes, au vu des écarts patrimoniaux liés au genre, qui sont d’ailleurs l’une des motivations premières de la création de The Ladies Bank.
En fin de carrière
Voilà un autre chantier à anticiper : l’héritage. Là aussi, le dialogue est primordial pour répartir son patrimoine selon les besoins de ses enfants et petits-enfants. On peut commencer à le faire de son vivant par des donations ou en confiant la nue-propriété de ses biens immobiliers, par exemple.
« Mais attention à ne pas se démunir non plus, avertit Alix de Renty, au risque de manquer de fonds pour financer sa propre retraite. »
La plupart des épargnants piocheront dans leur assurance-vie, une fois par an, pour compléter leur pension mensuelle.
« Attention, toutefois : on ne peut plus prendre les mêmes risques à 60 ans, lorsqu’on a besoin de cet argent, que lorsqu’on l’a placé vingt ans plus tôt. »
« Je conseille de prendre rendez-vous avec son courtier ou son gestionnaire pour réajuster son contrat. L’idéal est de diviser son argent en deux, selon qu’on en ait besoin avant ou après cinq ans, et de placer la première partie sur des placements moins risqués que la seconde. »
Les sommes placées à long terme financeront, à l’avenir, sa dépendance, qu’il s’agisse de soins à domicile ou d’une résidence. Là aussi, l’anticipation est primordiale pour épargner les fonds nécessaires. Et s’éviter, à soi comme à ses proches, des soucis à venir.
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Source : Madame Figaro