Décédé il y a peu, mon parrain m’a désignée comme seule bénéficiaire de son contrat d’assurance vie. Un geste qui prive ses deux enfants de la majeure partie de son patrimoine. Mon parrain pouvait-il ainsi déshériter ses propres enfants ? Peuvent-ils eux-mêmes saisir la justice pour contester le geste de leur père et demander réparation ? Tout dépend si les sommes transmises sont considérées comme « manifestement exagérées ». Explications.
Une générosité sans limite ?
Souscrire un contrat d’assurance vie est une technique fréquemment utilisée pour avantager un héritier. Pourquoi ? D’une part, parce que ce placement permet de désigner la personne de son choix, y compris un non héritier, comme bénéficiaire du contrat en cas de décès. D’autre part, parce que le capital transmis est traité hors succession : il bénéficie d’abattements plus importants et reste soumis à des taux d’imposition inférieurs aux droits de succession.
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En ce sens, mon parrain avait tout à fait le droit de souscrire un tel contrat pour me transmettre un capital hors succession. Seulement voilà, il existe une limite à cette liberté : en présence d’héritiers réservataires – ses propres enfants – une fraction de son patrimoine leur revient obligatoirement à son décès. Combien ? Les 2/3 du patrimoine, puisqu’ils sont 2.
Si les primes versées sur le contrat sont jugées « manifestement exagérées » et ne respectent pas cette réserve héréditaire, les enfants de mon parrain peuvent agir en justice et demander réparation.
Primes manifestement exagérées ou pas ?
Comment savoir si la prime transmise est « manifestement exagérée » ? Cette notion est évaluée au cas par cas en fonction de plusieurs critères :
- l’importance de la prime et sa date de versement sur le contrat d’assurance vie,
- l’utilité du but poursuivi par mon parrain en tant que souscripteur du contrat d’assurance vie,
- et, de manière générale, la situation personnelle, familiale et patrimoniale de mon parrain.
Dans mon cas, la prime représente 90 % d’un patrimoine en immobilier de 2,5 millions d’euros détenu par mon parrain. Cette part a été cédée puis versée il y a 2 ans sur un contrat d’assurance vie qu’il venait tout juste d’ouvrir, à 75 ans.
Vus l’âge tardif de souscription du contrat et le montant des sommes versées, soit la quasi-totalité du patrimoine existant, l’intention de déshériter les enfants semble difficilement contestable. De fait, ils ne recueillent plus que 10 % du patrimoine de leur père, soit bien moins que les 2/3 qui leur reviennent de droit.
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Et après ?
Si les enfants de mon parrain, s’estimant lésés, recourent à l’action en justice, ce sera au juge de trancher sur cette notion de primes « manifestement exagérées ». Trois scénarios sont alors possibles.
- Le contrat est jugé incontestable : l’épargne m’est intégralement transmise en tant que bénéficiaire désignée.
- Seule une partie des primes est jugée exagérée : celle-ci est réintégrée à la succession de mon parrain pour être transmise à ses héritiers. Le reste m’est versé en tant que bénéficiaire du contrat d’assurance-vie.
- L’ensemble des primes est jugé exagéré : toute l’épargne est réintégrée à la succession, je ne reçois rien.
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